L’Euro 2008 de football, que l’Autriche et la Suisse organisent du 7 au 29 juin, va générer 1,05 milliard d’euros de droits de télévision et marketing pour l’Union européenne de football (UEFA), contre seulement 743 millions lors de l’édition précédente au Portugal en 2004.
Malgré ce montant astronomique, la compétition continentale européenne reste encore loin des résultats du Mondial 2006 en Allemagne et de son 1,95 milliard d’euros de recettes.
Comme il y a quatre ans, les droits TV représentent la part du lion. Les diffuseurs du monde entier déboursent 800 millions pour retransmettre les 31 rencontres.
La négociation marché par marché, le développement de la diffusion en Asie, déjà amatrice des compétitions européennes de clubs, et l’essor de la télévision sur téléphone mobile expliquent principalement la hausse de plus de 40% des droits TV (560 millions d’euros en 2004).
Les droits marketing ne sont pas en reste : l’UEFA va recevoir 250 millions d’euros (contre 183 au Portugal) de l’ensemble des sponsors. A côté des 10 sponsors officiels figurent des partenaires nationaux. En Autriche, les quatre entreprises choisies ont déboursé chacune 8 millions d’euros pour pouvoir associer leur nom à l’Euro-2008.
Si ces chiffres sont impressionnants et témoignent d’un succès commercial pour l’UEFA, le consultant suisse Patrick Cotting s’interroge sur une possible “bulle spéculative”: “L’Euro-1996 a rapporté 50 millions (d’euros) de droits TV soit 16 fois moins qu’en 2008. Pourtant, il n’y a pas 16 fois plus de téléspectateurs et la technique de retransmission n’est pas 16 fois meilleure. Si l’UEFA était cotée en bourse, je commencerais à vendre mes actions”, souligne-t-il.
Indicateur inquiétant selon lui, les chaînes de télévisions perdent de l’argent avec le football. “TF1 est un bon exemple. Elle n’a jamais pu couvrir ses dépenses malgré des audiences records pour les matches de l’équipe de France. Cette stratégie de conquête de parts de marché pourrait être abandonnée par les actionnaires”, prévient Patrick Cotting.
“Jusque-là les droits télé étaient sous-évalués” (Bolotny)
Son homologue français Frédéric Bolotny, du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, est plus nuancé : “Jusqu’en 2000, les droits étaient sous-évalués, l’évolution n’est donc pas très étonnante. La tendance à la baisse reste à démontrer. Il ne faut pas oublier les situations de concurrence entre diffuseurs sur certains marchés qui participent à l’inflation des tarifs”.
Par contre, il rejoint Patrick Cotting sur les risques pour les revenus de sponsoring: “Une grosse dizaine de sponsors officiels c’est peut-être beaucoup, alors que la Ligue des champions n’en compte que six”. Un véritable problème quand “le consommateur ne peut se souvenir que de 2 ou 3 marques au maximum”, comme le souligne Patrick Cotting.
De plus, les sponsors officiels ont du mal à se différencier des entreprises au marketing +parasite+. En Suisse, comme en Autriche, des marques ont axé leur campagne sur les fans ou sur le football en général et ne reversent ainsi pas le moindre euro à l’UEFA, basée à Nyon, près de Genève. “L’UEFA ne peut pas protéger ces termes”, constate Patrick Cotting.
De plus, plusieurs sponsors se sont plaints du manque de visibilité qui leur est offert en amont de la compétition. “En fait, il faut investir près de trois fois la somme versée à l’UEFA dans des actions complémentaires pour être vraiment remarqué par le consommateur”, explique l’expert suisse.
Il s’attend à ce que ces éléments exercent une pression à la baisse lors des prochaines négociations pour les droits relatifs à l’Euro-2012, en Pologne et en Ukraine.
“En Europe, on est au maximum, poursuit-il, l’enjeu est de savoir si l’Asie pourra compenser les pertes”.
L’UEFA utilisera son magot notamment pour verser les 184 millions d’euros de primes distribuées aux équipes participantes et pour financer des programmes d’assistance aux projets des fédérations nationales.
